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HONEYLAND : QUAND LA GOUTTE DE MIEL FAIT DÉBORDER LE VASE

Le soleil estival se lève sur la campagne macédonienne. Hatidze, dans son costume jeune et vert, foulard dans les cheveux et panier à l’épaule, gravit les sentiers escarpés de la vallée du Vardar.

 

Au loin, tout semble calme. Monts et merveilles s’étalent à perte de vue sous une douce lumière dorée. En contrebas, quelques maisonettes tantôt en bois, tantôt en pierre surgissent de terre et demeurent vides. Tout est calme dans le pays du miel. 

Mais soudain, tout près d’une falaise et derrière un rocher, Hatidze va dévoiler au spectateur ce qu’elle n’a pour habitude de livrer à personne. Il s’agit de son trésor le plus grand, le plus cheri, le plus adulé : ses abeilles. Aux petits soins avec elles, Hatidze les nourrit, les respecte, chante pour ses bruyantes bêtes bicolores.

 

Alors le soir, quand elle rentre dans sa chaume, le bourdonnement de la journée s’apaise. Hatidze y retrouve sa mère, Nazife, alitée depuis trois ans et sourde comme un pot. Les disputes entre les femmes sont tendres, l’ambiance est bon enfant. 

Cependant, un jour, un tumulte vient troubler leur quiétude. Une caravane, puis deux, puis des cris, des pleurs et le bruit du métal contre la tôle : Hussein, Ljutvie et leur ribambelle d’enfants, d’animaux et d’objets saugrenus prennent possession des lieux, de cette campagne si tranquille, si muette. 

 

 

Nazife, Hatidze et leurs abeilles vont-elles supporter cette métamorphose de leur quotidien dans leur doux pays du miel ?

Il serait insensé de dire qu’Honeyland n’est qu’un beau documentaire sur la récolte du nectar divin. Bien entendu, si vous êtes curieux quant à la récolte traditionnelle du miel, ce film correspondra à vos attentes. Mais Honeyland, c’est d’abord une réflexion sur l’avidité humaine, sur notre volonté du « toujours plus, quitte à tout réduire à néant ».

 

Que dire lorsque Hussein, le père de famille, déclare au marchand de tapis « qu’il faut faire des enfants, (parce que) c’est une vraie mine d’or » ? Comment assimiler des êtres vivants à des objets purement mercantiles ? Comment ne pas être frappé par le clivage, le fossé, le ravin entre les conceptions du monde des deux familles ?

 

Tandis que l’une n’est qu’amour et simplicité, l’autre a déjà posé un pied dans la machine infernale de la société de consommation.

Honeyland, c’est trois ans de tournage pour quatre cent heures de rush. Ce sont des paysages macédoniens à couper le souffle. C’est une ode au respect et au vivant, mais paradoxalement, un film si frustrant, si rageant.

A la fin du film, dans mon petit carnet, j’ai noté la chose suivante : « importance du son ». Et finalement, je ne souhaite pas développer davantage sur ce point.

Si j’agis de cette manière, c’est simplement pour vous inviter à aller voir vous-même le film. Honeyland n’est pas une expérience de cinéma traditionnelle. Elle prodigue quelque chose de plus fort, un essaim d’émotions. Parfois bonnes, parfois mauvaises, mais Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov nous ébranlent, nous font réfléchir et aussi, nous frustrent. C’est la dure loi de la vie.

 

Parce que, gardons toujours ça dans une alvéole de notre tête : bien mal acquis ne profite jamais. 

Elena

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